La surmédicalisation de l’accouchement, le fléau du XXIe siècle ?

Par Armelle Fruchard | Mise à jour le 6 avril 2024

L’accouchement, un des actes les plus naturels, se trouve aujourd’hui au coeur de nombreux débats. Alors que la médecine obstétricale a réalisé d’immenses progrès, garantissant la sécurité des mères et des nouveaux-nés, une tendance à la surmédicalisation a émergé. Pourquoi la médicalisation peut éloigner les femmes de leur expérience personnelle ? Comment valoriser les avancées scientifiques et le respect du processus naturel ?

L’impact de la modernisation sur les pratiques d’accouchement

Aujourd’hui, la médicalisation des accouchements s’impose comme une norme, invitant à reconsidérer la manière dont nous percevons la capacité naturelle des femmes à donner la vie. La croyance générale veut que sans intervention médicale, les femmes seraient incapables de donner naissance. Cette idée est alimentée par des stéréotypes tels qu’une incapacité des femmes à tolérer la douleur, des bassins trop étroits, des bébés trop gros, ou encore l’idée qu’il faut “savoir” pour accoucher, que l’instinct naturel ne prime plus. Les controverses entourant l’accouchement à domicile, ainsi que l’absence de cadre légal clair, renforcent cette perception.

Toutefois, le véritable enjeu réside moins dans la médicalisation elle-même que dans sa surmédicalisation. Cette dernière suppose à tort que la technique est supérieure à tout, qu’elle est l’unique garante de la sécurité des femmes enceintes. Or, la sécurité englobe bien plus que cela, notamment la confiance qu’une femme peut accorder à son praticien, au lieu d’accueil, et la reconnaissance de ses besoins et de son expérience personnelle.

Dans ce contexte, des voix commencent à s’élever contre cette tendance à la surmédicalisation et ses répercussions. En 2018, la Haute Autorité de Santé a marqué un tournant en appelant à une réduction de la médicalisation systématique des naissances. L’organisme préconise une approche favorisant le respect du processus naturel de l’accouchement, plaidant pour une intervention médicale moins intrusive et davantage centrée sur le déroulement spontané de la naissance.

Cette prise de position souligne l’importance de revenir à une vision de l’accouchement qui valorise non seulement la sécurité physique grâce aux progrès de la médecine, mais aussi la sécurité émotionnelle et psychologique, en réaffirmant la capacité innée des femmes à mettre au monde.

Les progrès médicaux : un potentiel inexploité en faveur de la physiologie 

L’évolution de la médecine a considérablement transformé les pratiques traditionnelles d’accouchement. En médicalisant l’accouchement, nous nous sommes délaissés d’un héritage de connaissances précieuses transmises de mère en fille à travers les âges. Cette transition vers la médicalisation a peu à peu diminué la confiance des femmes en leur capacité innée à enfanter, les éloignant de leur intuition et de leur pouvoir naturel.

Nous vivons à une époque où les progrès de la médecine offrent des opportunités sans précédent pour la santé et la sécurité des mères et de leurs bébés. Le suivi médical de la grossesse permet une prévention de nombreux risques et offre des grossesses plus saines. Ce qui est plus discutable en revanche, c’est la facilité à apposer l’étiquette “pathologie” à chaque comportement “suspect” pendant la grossesse : diabète gestationnel, croissance du bébé qui ne correspond pas à la “moyenne”, etc.

Cette surmédicalisation conduit à une expérience de maternité où de nombreuses femmes se sentent dépossédées de leur pouvoir, contraintes de naviguer dans un environnement stressant voire anxiogène sans réelle justification, un des freins majeurs à la physiologie de l’accouchement.

La priorité à la productivité au détriment du bien-être maternel

Dans le contexte actuel, la gestion de l’accouchement dans les hôpitaux semble privilégier la productivité au détriment des expériences vécues par les mères et leurs enfants. La pression exercée par les contraintes hospitalières conduit souvent à des pratiques favorisant des accouchements déclenchés et exécutés rapidement, où l’efficacité prime sur le bien-être des parents. La naissance est davantage considérée comme un processus à optimiser que comme un événement unique et profondément personnel.

Les accouchements s’enchaînent sans toujours tenir compte des besoins spécifiques de chaque famille. Cette situation est exacerbée par une pénurie de personnel qualifié, ce qui conduit à des compromis sur la qualité de l’accompagnement proposé aux femmes en travail.

Dans ce contexte, la péridurale s’est imposée comme une solution standard, non pas tant pour répondre aux besoins individuels des femmes, mais plutôt pour faciliter la gestion simultanée de plusieurs accouchements. Cette approche soulève la question de l’accompagnement personnalisé : comment offrir une présence et un soutien adéquats à chaque femme lorsque les ressources sont limitées et que la logique de rendement prévaut ?

Cette tendance nous invite à repenser les pratiques d’accouchement pour remettre le bien-être des mères et des nouveau-nés au centre des préoccupations. Il s’agit de trouver un équilibre entre l’utilisation judicieuse des avancées médicales et la préservation d’une expérience d’accouchement respectueuse et personnelle pour les parents. Reconnaître et valoriser le caractère unique de chaque naissance est essentiel pour réaligner les pratiques obstétricales avec les besoins et les attentes des familles.

Restaurer la confiance dans le processus naturel de la naissance

Il est essentiel de renouveler notre confiance dans la capacité naturelle du corps à donner la vie. Le processus d’accouchement, ancré dans des millénaires d’expérience et de savoir, mérite notre respect et notre admiration, non notre méfiance.

La péridurale, malgré ses avancées et sa capacité à être ajustée par la mère elle-même, peut interférer avec le déroulement naturel de l’accouchement, altérant ainsi l’équilibre physiologique

Depuis toujours, les femmes ont donné naissance, et ce n’est que récemment, dans l’histoire de l’humanité, que la médicalisation est devenue prédominante dans le processus de naissance. Cette intrusion médicale a malheureusement conduit à une perte de confiance dans le processus naturel d’accouchement et dans le corps féminin lui-même.

L’intérêt croissant pour les maisons de naissance et la recherche d’alternatives à la péridurale témoignent d’une volonté de réintégrer le naturel dans l’expérience de la naissance. Ces alternatives offrent aux femmes l’opportunité d’un accouchement qui respecte davantage leurs désirs et leurs besoins individuels, tout en promouvant une approche de la naissance respectueuse et personnalisée.

Cet élan vers un accouchement plus naturel peut s’épanouir dans la sérénité et la confiance, grâce aux remarquables progrès réalisés dans le domaine de la médecine obstétricale. 

Ce désir de revenir à un accouchement moins médicalisé n’est pas une régression mais la possibilité d’allier le meilleur des deux mondes : la richesse du processus naturel d’accouchement et les garanties offertes par la médecine. 

Vers un équilibre entre soutien médical et processus naturel

Il est essentiel de trouver un juste milieu qui respecte à la fois les avancées médicales et la capacité naturelle des femmes à donner la vie. Réévaluer notre approche de l’accouchement pour favoriser un soutien médical adapté, tout en promouvant un environnement qui encourage les femmes à faire confiance à leur corps, est essentiel pour une expérience de naissance positive et épanouissante.

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