Interpréter la douleur de l’accouchement : au-delà de la souffrance

Par Armelle Fruchard | Mise à jour le 26 février 2024

L’appréhension de la douleur durant l’accouchement constitue l’une des principales inquiétudes associées à la grossesse, en particulier lorsqu’il s’agit d’un premier enfant. En effet, nous sommes habituées à associer la douleur à un dysfonctionnement ce qui crée l’envie naturelle de la fuir. Cependant, la douleur liée aux contractions est différente : elle est à la fois naturelle et essentielle. On vous explique ! 

À quoi sert la douleur de l’accouchement ? 

La douleur de l’accouchement remplit plusieurs fonctions essentielles prévues pour faciliter le processus de naissance. Il est réducteur de résumer cette douleur à la prophétie biblique souvent énoncée (“Tu enfanteras dans la douleur”). En vérité, loin d’être une punition, la douleur de l’accouchement a des objectifs spécifiques et remarquablement utiles !

La douleur est un signal 

La douleur annonce le point de départ de l’accouchement. C’est le signal physiologique que votre corps s’apprête à donner la vie, qu’il se met en marche. Cette douleur revêt un caractère exceptionnel dans son unicité. Contrairement à la plupart des douleurs, celle-ci n’est pas synonyme de dysfonctionnement. Elle traduit qu’une chose extra-ordinaire est en train d’arriver : la naissance de votre bébé. 

La douleur est un guide 

La douleur de l’accouchement sert de guide intuitif, incitant à écouter son corps et à le positionner de manière à favoriser la naissance. Elle contraint à l’action, à trouver des positions et des mouvements qui soulagent la douleur et favorisent la descente du bébé. La mobilité est un atout clé durant l’accouchement or un corps muet ne permet pas d’ajustement corporel. Ainsi, la douleur peut être vue comme un signal vous permettant d’adopter les postures les plus adéquates et efficaces au progrès du travail. 

La douleur est un catalyseur de concentration 

La douleur oblige à se concentrer intensément sur l’accouchement, vous forçant à arrêter toute autre activité pour vous consacrer pleinement à cette naissance. Elle exige une concentration totale, nécessaire pour se connecter à son corps, à son bébé et à la rencontre merveilleuse et imminente. C’est cette intensité qui permet d’atteindre cet état de concentration optimale.

La douleur permet de produire des endorphines

Face à la douleur, le corps à une arme naturelle : les hormones et notamment les endorphines (notre morphine naturelle). La production d’endorphines a deux fonctions essentielles : diminuer la perception de la douleur et vous emmener dans un état de conscience altéré. C’est comparable à ce que ressentent les athlètes lors d’une activité physique intense : l’effort, aussi dur soit-il, procure une sensation agréable. Cet état euphorisant permet d’oublier ses inhibitions et de s’abandonner pleinement au moment, sans résistance. 

La douleur est génératrice de soutien  

Durant l’accouchement, la douleur invite à l’empathie et au soutien – des éléments clés et nécessaires au bon déroulement du travail. De nombreuses études ont démontré que la présence d’une personne bienveillante et rassurante influençait positivement le processus de l’accouchement, permettant à la femme de vivre la douleur de manière plus sereine et sécurisée. Le soutien et la compassion jouent un rôle essentiel, bien au-delà du simple soulagement physique.

À quoi ressemble la douleur de l’accouchement ? 

Le ressenti de la douleur de l’accouchement varie considérablement d’une femme à l’autre et peut prendre des formes diverses. Certaines la ressentent principalement dans le bas du ventre, tandis que d’autres la vivent dans le bas du dos, rayonnant parfois vers l’avant. La comparaison avec des crampes menstruelles intensifiées est souvent évoquée pour la décrire.

Il est essentiel de reconnaître la subjectivité de la douleur : elle est fortement influencée par les expériences personnelles, l’environnement mais aussi la préparation psychologique de chacune. Ainsi, si certaines vont percevoir l’accouchement comme la pire douleur au monde, d’autres vont parler de fortes douleurs de règles.  

Il est important de souligner que la douleur n’est pas une expérience universelle lors de l’accouchement. Certaines femmes vivent l’accouchement sans douleur significative, et il existe même des cas d’accouchements orgasmiques

Voici des témoignages de mères qui décrivent leurs expériences de la douleur lors de l’accouchement :

« La douleur des contractions, je la comparerais à un ballon que l’on gonfle intensément puis que l’on dégonfle. J’éprouvais une douleur continue dans le bas du ventre et le bas du dos, semblable à des règles très douloureuses, mais tellement intense qu’elle m’empêchait de faire quoi que ce soit d’autre. »

« Lors de mon premier accouchement, j’avais l’impression que mon ventre était comprimé dans un étau, avec une sensation d’écrasement interne. Pour le second, au début, c’était comme des douleurs de règles qui s’intensifiaient progressivement. Après la rupture de la poche des eaux, c’était comme si un boulet de canon d’une tonne appuyait vers le bas, une sensation absolument incomparable. »

« La sensation est semblable à celle d’une crampe dans le mollet, cette torsion soudaine où le muscle devient dur comme de la pierre. Sauf que c’est au niveau du ventre et que c’est vraiment douloureux ! »

« Pour moi, c’était comme des crampes intenses au niveau des abdominaux, le ventre devenant tout dur. La douleur était vraiment concentrée en bas, comme une pression au-dessus du pubis, mais amplifiée des milliers de fois. Elle ne se diffusait pas, restant localisée dans cette zone. »

« Les contractions sont d’une intensité telle qu’il est impossible de les ignorer. Elles sont bien différentes des contractions de faux travail. Je ne pouvais pas rester debout sans me pencher et m’accrocher à quelque chose. La douleur englobait tout mon ventre. »

« C’est certainement différent pour chaque femme. Pour moi, la douleur commençait par un resserrement au bas ventre puis évoluait en une douleur aiguë, semblable à des douleurs menstruelles intenses. Plus tard dans le travail, la douleur s’étendait dans le dos, comme une forte pression au niveau des reins. Ce qui me soulageait, c’était la pression de la main de mon mari dans le bas du dos. Heureusement, entre les contractions, la douleur cessait complètement, offrant un répit pour se reposer et reprendre son souffle. »

Accouchement : quelle est l’échelle de douleur ?  

La douleur des contractions se manifeste très différemment d’une femme à l’autre et dépend notamment de la zone où elles se manifestent. Il n’existe pas d’échelle universelle pour mesurer cette douleur. Tout comme l’emplacement de la douleur diffère d’une personne à l’autre, la façon dont chaque femme perçoit et expérimente les contractions est également unique.  Cependant, même si le degré de douleur est propre à chacune, voici ce qui ressort le plus fréquemment des sensations liées aux contractions : 

Localisation de la contractionDescriptionMéthodes de soulagement
Dans le ventreSimilaires à des douleurs menstruelles intenses, englobant tout le ventre. Sensation de serrage extrême comme des douleurs intestinales.Suspension, souffle profond, sons graves.
Dans le dosRessemblent à de très fortes douleurs lombaires, souvent localisées autour des reins. Les positions où le buste est penché en avant, à quatre pattes, ou en appui contre un mur ou sur un ballon. Le chaud (bain ou compresses).
Dans le bassinSensation de pression forte, comme si le bassin était serré dans un étau. Elle peut s’étendre au haut des cuisses. Basculement du bassin en avant, genoux fléchis, position en chasse-neige.
Dans les fessesGénéralement ressenties en fin de travail, annoncent l’engagement du bébé. Comme une envie irrépressible d’aller aux toilettes. Relaxation, souffler pour accompagner le bébé.

La perception de la douleur durant l’accouchement est un sujet complexe car hautement subjectif. De même, la douleur n’est pas linéaire durant l’accouchement, elle varie en intensité et en durée. Le caractère progressif de la douleur permet aux mères de s’y adapter et de l’apprivoiser. 

Il est important de reconnaître que la perception de la douleur durant l’accouchement est fortement influencée par nos expériences et histoires personnelles. Chaque femme porte en elle un héritage qui peut façonner sa manière de ressentir la douleur. Par exemple, grandir entourée de récits positifs et joyeux d’accouchements influence l’expérience de manière très différente versus des histoires familiales traumatisantes. De plus, d’autres éléments tels que la peur, l’environnement dans lequel se déroule l’accouchement, et la manière dont le personnel médical réagit à votre douleur, jouent tous un rôle significatif dans la façon dont elle est vécue. 

Une question revient fréquemment : la douleur de l’accouchement équivaut à combien de fractures ? Outre le caractère très pessimiste de cette question, nous sommes obligé d’en relever l’absurdité : rien ne se fracture ou se casse durant l’accouchement ! Une de ces douleurs relève d’un accident souvent suivi de traitements contraignants (plâtre, béquilles, immobilisation, etc) tandis que l’autre mène à la rencontre avec votre bébé !  

Douleur et souffrance lors de l’accouchement, parle-t-on de la même chose ? 

Lorsqu’on aborde l’accouchement, les termes « douleur » et « souffrance » sont souvent utilisés de manière interchangeable. Cependant, la distinction est fondamentale entre ces deux expériences. 

Selon l’International Association for the Study of Pain (IASP), la douleur est une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en ces termes. » Lors de l’accouchement, la douleur est principalement liée aux contractions utérines. Elle peut être comparée à une coupure ou à une chute : c’est une réponse directe à la réaction du corps. 

La souffrance, en revanche, englobe non seulement la douleur physique, mais aussi la détresse psychologique et émotionnelle. Elle est plus profonde et persistante. Elle est souvent influencée par des facteurs tels que la peur, l’anxiété, ou le manque de préparation. Par exemple, la souffrance peut être ressentie lors du deuil d’un être cher, sans qu’il y ait de douleur physique apparente. La plaie est douloureuse mais émotionnelle. 

Bien que distinctes, la douleur et la souffrance peuvent s’influencer mutuellement. Une douleur intense et continue lors de l’accouchement peut entraîner de la souffrance si elle est accompagnée d’un sentiment d’impuissance, de peur ou d’anxiété. Inversement, une souffrance psychologique peut intensifier la perception de la douleur physique. 

En cas de douleur seule, les moments de répit entre les contractions sont salvateurs car le corps est totalement soulagé. Si vous êtes dans un état de souffrance, que vous êtes pris de peur, de stress, et dépassé par vos émotions, vous n’aurez pas de répit car le corps sera tendu et endolori tout du long. Cela souligne l’importance d’une bonne préparation, d’être soutenue durant l’accouchement et d’avoir des outils efficaces de gestion de douleur. Avoir mal, ce n’est pas être mal.

Comment faire face à la douleur de l’accouchement ? 

Il existe diverses choses qui peuvent aider à faire face aux douleurs de l’accouchement sans utiliser de médicaments. Savoir de quoi il s’agit peut aider les femmes et les couples à mieux comprendre la douleur et à se préparer à l’avance.

Vous avez peur d’avoir mal pendant votre accouchement ? C’est une réaction normale. Heureusement, par la connaissance et la compréhension, cette peur peut s’atténuer. 

Comme pour toute douleur, certains facteurs peuvent l’amplifier et notamment le bruit, le froid, la faim, la solitude ou la lumière. En cas de mal de tête mais aussi de contractions. A contrario, la relaxation, la confiance, la connaissance de ce qui se passe, un contact continu avec des personnes de confiance, un environnement familier et confortable sont autant d’éléments qui contribuent à réduire la perception de la douleur. Agir sur ces éléments ne supprime pas la douleur mais peut contribuer à en modifier l’intensité. 

De même, la préparation à la douleur de l’accouchement permet de découvrir nos propres ressources, souvent ignorées. Penser à son corps serré dans un étau est évidemment effrayant. L’imaginer, baigné d’hormones et dans un état semi-conscient, offre une perspective bien plus apaisante. Bien que cela puisse sembler difficile à imaginer avant d’y être confrontée, les expériences d’autres femmes, qui ont profité de cet état hormonal naturel, constituent une précieuse source d’encouragement.

« La pénombre entre dans la maison, j’y instaure une ambiance tamisée. Et moi entre deux contractions, j’ai vraiment envie de dormir debout (incroyable cette ocytocine !). J’aimerais rester à la verticale tout en reposant ma tête dans mes bras, sur un meuble haut … que nous n’avons hélas pas ! Je perds la notion du temps. Je suis littéralement shootée, dans ma bulle. Le mantra « bouche molle, col mou » est le seul qui me reviendra régulièrement à l’esprit et que j’exécute. « 

« J’essaie de me détendre entre chaque, faire des techniques d’hypnose mais finalement ce qui me réussit le mieux c’est de tomber dans un état de sommeil semi-conscient entre chaque et de me « forcer » à détendre mon ventre et adopter une respiration douce et profonde. »

La douleur durant l’accouchement est étroitement liée à la résistance du corps et de l’esprit. Pourtant, même s’il est naturel de vouloir lutter contre la douleur, cela s’avère contre-productif durant l’accouchement. Chercher à y résister risque de l’amplifier et de se crisper. 

La douleur, bien que significative, est gérable et ne dépasse pas les capacités naturelles de la femme. La peur et l’appréhension peuvent amplifier la douleur, tandis que l’acceptation et la compréhension aident à la traverser plus aisément.

Se préparer mentalement et émotionnellement pour l’accouchement, comprendre et accepter la douleur comme une partie du processus, permet aux femmes d’affronter l’expérience avec plus de confiance et de sérénité. Les solutions médicamenteuses, bien que parfois nécessaires, ne devraient pas être les premiers outils envisagés pour gérer la douleur. Favoriser une approche naturelle et soutenue par un environnement rassurant peut transformer l’expérience de l’accouchement en une expérience forte et positive.

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