Une certaine perte de sang est normale et attendue après l’accouchement. Parfois cependant, la perte est excessive et peut devenir une urgence médicale. Cette complication concerne environ 5 à 10 % des naissances et peut mettre la vie de la mère en danger. Comment soigne-t-on une hémorragie de la délivrance ? Quels sont les facteurs de risques et les causes principales ? On fait le tour.
Qu’appelle-t-on hémorragie de la délivrance ?
L’hémorragie du post-partum (HPP) est une perte de sang significative qui survient après l’accouchement. Elle constitue la principale cause de morbidité et de mortalité maternelles dans le monde, bien que ce ne soit plus le cas en France. L’hémorragie de la délivrance est définie comme une perte de plus de 500 millilitres de sang lors d’un accouchement vaginal ou de plus de 1000 millilitres après une césarienne.
Que se passe-t-il lors d’une hémorragie post accouchement ?
Lors d’un accouchement, l’expulsion du placenta survient dans l’heure suivant la naissance. Il se détache de la paroi utérine et est expulsé. Cela s’accompagne de saignements modérés rapidement stoppés par les contractions de l’utérus, qui permettent de resserrer les vaisseaux utéro-placentaires.
Pour que ce mécanisme fonctionne correctement, deux conditions doivent être remplies :
- Un décollement complet du placenta : si des fragments restent attachés, ils peuvent empêcher l’utérus de se contracter efficacement et augmenter le risque d’hémorragie.
- Une rétraction utérine optimale : cette rétraction permet à l’utérus de produire des contractions suffisamment fortes pour stopper les saignements.
Si ces conditions ne sont pas remplies, le risque est que l’utérus ne parvienne pas à se contracter et que les vaisseaux sanguins, faute d’être compressés, continuent de saigner, entraînant une hémorragie post-partum. Dans ce cas, la mère commence à perdre trop de sang et on entre dans une urgence obstétricale nécessitant une intervention rapide pour assurer sa sécurité.
La prise en charge de l’hémorragie
Tout d’abord, un massage utérin est pratiqué pour aider l’utérus à se contracter et réduire les saignements. Ensuite, des médicaments favorisant les contractions de l’utérus et l’arrêt des saignements sont administrés. L’administration d’une sonde urinaire peut également être mise en place pour aider la maman à vider sa vessie. Enfin, un examen approfondi est réalisé pour s’assurer qu’il n’y a pas d’autres complications. Si des déchirures sont présentes, elles sont suturées pour arrêter le saignement.
La gestion de la douleur pendant l’intervention
Sans péridurale, la gestion de la douleur varie en fonction de la situation. En cas d’urgence majeure, le gaz hilarant est utilisé en premier recours et, si besoin, une anesthésie générale (AG). Si l’urgence est moindre, une rachianesthésie peut suffire.
« J’ai eu une AG en urgence. Mais c’est très bref donc pas de changement de salle, pas d intubation, mon mari est resté à côté de moi avec mon bébé dans les bras. Je me suis réveillée environ 10 minutes plus tard et je ne suis pas allée en salle de réveil. Le temps que les soins à mon bébé soient faits, qu’il soit habillé et qu’on rassemble les affaires, c’était bon et je suis remontée en chambre. » Garance.
Quels sont les symptômes de l’hémorragie du post-partum ?
Le principal symptôme de l’hémorragie post-partum est la perte de sang. Cependant, il peut être difficile d’évaluer précisément la quantité de sang perdue, car l’accouchement entraîne naturellement des saignements.
En dessous de 500 millilitres, la perte de sang est généralement considérée comme normale et tolérable en raison de l’augmentation du volume sanguin pendant la grossesse. À titre de comparaison, 450 millilitres correspondent à un don de sang, généralement bien supporté.
Toutefois, la tolérance à la perte de sang varie : certaines femmes peuvent perdre beaucoup de sang et se sentir bien, tandis que d’autres peuvent être très affectées par une perte moindre. De même, l’évaluation de la perte de sang peut être rendue difficile par sa dilution avec l’urine ou le liquide amniotique.
Ainsi, d’autres symptômes sont utiles pour diagnostiquer une hémorragie de la délivrance comme des changements dans la fréquence cardiaque, une pression artérielle qui fluctue, une respiration rapide mais également une pâleur inquiétante, un faible débit urinaire et une saturation en oxygène altérée.
Les hémorragies du post-partum sont-elles fréquentes ?
Selon les chiffres des autorités de santé, une hémorragie post-partum est définie par une perte de sang de plus de 500 ml après un accouchement par voie basse, ou de plus de 1000 ml en cas de césarienne. Environ 5 à 10 % des naissances sont concernées par cette situation. Cependant, les niveaux de gravité peuvent énormément varier, tout comme la mesure réelle de la perte de sang.
L’une des principales difficultés liées à l’hémorragie du post-partum réside dans le fait qu’elle repose souvent sur une estimation de la perte de sang à un moment où le sang s’écoule naturellement sans que cela soit forcément préoccupant.
Une étude de 2023 menée par des chercheurs de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de l’Université de Birmingham, portant sur plus de 200 000 femmes de quatre pays, a démontré que mesurer objectivement la perte de sang à l’aide d’un dispositif de collecte simple et peu coûteux, combiné à l’application des traitements recommandés par l’OMS, entraînait des améliorations spectaculaires des résultats.
Cette approche a réduit de 60 % les hémorragies graves (perte de plus d’un litre de sang) et les risques de décès maternels, ainsi que le taux de transfusions sanguines. C’est particulièrement précieux dans les pays à faible revenu où le sang est une ressource rare et coûteuse.
Peut-on prévenir l’hémorragie du post-partum ?
Le respect de la physiologie de l’accouchement demeure la meilleure prévention pour prévenir l’hémorragie du post-partum. La clé de la délivrance du placenta réside dans la capacité du corps à se contracter de nouveau, grâce à l’action de l’ocytocine. Pour sécréter cette hormone fragile, un environnement calme, chaud, intime et silencieux est essentiel, tout comme la proximité immédiate avec le bébé, en peau à peau.
À l’hôpital, c’est parfois difficile de respecter ces conditions. Certaines interventions médicales peuvent venir perturber l’heure d’or. De même, la présence de plusieurs personnes dans la salle peuvent troubler la production naturelle d’ocytocine. L’éclairage intense, le bruit ou encore l’agitation générale peut interférer avec le processus. L’ocytocine, appelée « l’hormone de l’amour », est sensible et nécessite un environnement propice à sa sécrétion, intime et doux.
Par prévention, la plupart des maternités administrent systématiquement de l’ocytocine de synthèse juste après la naissance pour favoriser la contraction de l’utérus, une mesure qui réduit de plus de 60 % le risque d’hémorragie. Bien que l’idéal serait de créer un environnement favorable à la sécrétion naturelle d’ocytocine, l’administration prophylactique d’urétonique est aujourd’hui la mesure de sécurité la plus répandue.
Hémorragie de la délivrance et nouvelle grossesse : quels risques ?
Si vous avez déjà eu une hémorragie du post-partum (HPP) après un accouchement, vous êtes plus à risque d’en avoir une à nouveau lors d’une future grossesse. Cependant, le risque global de récidive d’hémorragie de la délivrance reste relativement faible.
Certains profils sont plus à risque de subir une hémorragie de la délivrance, notamment les femmes anémiées ou celles ayant un IMC faible. Si vous appartenez à l’un de ces groupes, une attention particulière sera portée pendant votre nouvelle grossesse.
Lors d’une nouvelle grossesse, il sera important de surveiller votre taux de fer pour éviter toute anémie, car cela augmenterait le risque d’hémorragie.
La communication avec votre sage-femme ou gynécologue et la surveillance attentive de votre état de santé sont essentielles pour assurer une grossesse et un accouchement sécurisés.
Quelles sont les causes de l’hémorragie après l’accouchement ?
Les causes de l’hémorragie de la délivrance peuvent être regroupées en quatre catégories facilement mémorisables, appelées les quatre T : tonus, traumatisme, tissu et thrombine.
1. Tonus
Le tonus se réfère au manque de tonus utérin ce qui provoque l’atonie utérine, c’est-à-dire l’absence de contractions efficaces de l’utérus après l’accouchement. Or les contractions sont essentielles durant cette dernière étape de l’accouchement car elles permettent de compresser les vaisseaux sanguins et de stopper les saignements.
C’est la principale cause de l’HPP et peut être due à plusieurs facteurs :
- Distension excessive de l’utérus : causée par des grossesses multiples, un gros bébé ou des niveaux élevés de liquide amniotique.
- Fatigue musculaire : résultat d’un travail prolongé ou très rapide.
- Vessie pleine : une vessie non vidée peut interférer avec les contractions utérines.
2. Traumatisme
Le traumatisme fait référence aux blessures physiques des structures génitales pendant l’accouchement, notamment :
- Déchirures au niveau du col ou du vagin causées par le passage du bébé ou l’utilisation d’instruments comme les forceps ou les ventouses.
- Incision requise par la césarienne.
- Épisiotomie : une incision pratiquée pour agrandir l’ouverture vaginale.
- Rupture utérine (en cas d’AVAC notamment).
En cas d’hémorragie liée à ce type de traumatisme, il convient de soigner au plus vite les lacérations (par pression ou suture) afin d’arrêter le saignement.
3. Tissu
Lorsque des fragments du placenta se décollent mal et restent dans l’utérus, cela peut empêcher les contractions d’agir correctement. Dans ce cas, il sera nécessaire de retirer les morceaux de placenta pour aider l’utérus à se contracter de manière optimale. Certains positionnement de placenta peuvent accroître le risque que les tissus se détachent mal et stagnent dans l’utérus. C’est notamment le cas du placenta accreta.
Pour prévenir ces problèmes, il est essentiel de s’assurer que le placenta est complètement expulsé et de retirer tout tissu retenu dès que possible.
4. Thrombine
La thrombine fait référence aux troubles de la coagulation, qui empêchent la formation normale de caillots sanguins. Ces troubles peuvent être préexistants ou apparaître pendant la grossesse ou le travail (comme en cas de pré-éclampsie). Cela rend tout saignement critique car il a davantage de difficulté à s’arrêter de lui-même.
Le traitement des troubles de la coagulation dépend de la cause sous-jacente et peut inclure des médicaments pour faciliter la coagulation sanguine et des produits sanguins pour maintenir un volume circulant adéquat. Il s’agit de la cause d’hémorragie la plus rare cependant (moins d’1% des cas selon l’Association of Ontario Midwives).
Quels sont les principaux facteurs de risque de l’hémorragie du post-partum ?
Même s’il est rare de pouvoir prédire une hémorragie lors de la délivrance, certains facteurs de risques peuvent être cités. Si vous êtes concernée par l’un de ces symptômes, soyez rassurée : votre professionnel de santé l’est également et la surveillance sera optimale. De même, rappelons que l’hémorragie de la délivrance est rare et surtout, qu’elle est aujourd’hui très bien prise en charge.
Identifiés avant le travail | Identifiés pendant le travail ou après la naissance | |
Facteurs de risque élevés | Placenta praevia Anatomie utérine anormale due à la présence de fibromes | Rupture utérine Rétention placentaire (le placenta ne se décolle pas, ou pas entièrement, après la naissance |
Facteurs de risque modérés | Troubles de la tension artérielle pendant et/ou avant la grossesse Avoir eu ≥ 5 accouchements Grossesse multiple | Placenta qui se détache de la paroi utérine avant la naissance Infection utérine Utilisation de forceps ou ventouse Déchirure de 3e ou 4e degré Césarienne Bébé pesant plus de 4,5 kilos |
Facteurs de risque minimes | Antécédent de césarienne Quantité élevée de liquide amniotique Bébé en position transverse ou en siège Accouchement pré ou post terme | Déclenchement artificiel du travail Épisiotomie Césarienne |
Hémorragie de la délivrance, comment gérer l’après ?
Vivre une hémorragie de la délivrance peut constituer un traumatisme non seulement physique mais aussi émotionnel, tant pour la mère que pour le père ou l’accompagnant. L’hémorragie étant une urgence médicale, les soignants n’ont souvent pas le temps d’expliquer ce qui se passe et ce qu’ils font, ce qui peut augmenter le stress et la confusion des parents.
Parler de l’accouchement et de votre expérience d’hémorragie post-accouchement peut vous aider à comprendre ce qu’il s’est passé. Il est important que les soignants expliquent les actes réalisés et leurs raisons, ce qui permet de verbaliser les vécus traumatiques et de réduire l’incompréhension. Un suivi psychologique peut être nécessaire.
N’ayez pas peur de demander de l’aide et osez vous faire aider si vous en ressentez le besoin. Ce que vous avez vécu est intense et survient dans un moment de grande vulnérabilité émotionnelle, il est normal de se sentir fragilisée.
Des pratiques comme l’EMDR (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires) peuvent également être très bénéfiques pour traiter le traumatisme.
N’hésitez pas à explorer ces options pour favoriser votre rétablissement émotionnel et mental. Bon courage chère maman.
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