Les forceps durant l’accouchement : comprendre les raisons, les conséquences et les alternatives

Par Armelle Fruchard | Mise à jour le 27 septembre 2024

Les forceps, bien que parfois nécessaires en salle d’accouchement, peuvent perturber le déroulement naturel de la naissance. Cet article décortique leur utilisation, leurs limites et propose des solutions pour que cette intervention reste la plus respectueuse possible de la physiologie de l’accouchement.

Forceps, de quoi parle-t-on ? 

Les forceps sont des instruments métalliques constitués de deux branches en forme de cuillères évidées. Placés de part et d’autre de la tête du bébé, ils sont utilisés pour faciliter le passage du bébé à travers le canal pelvien lorsque celui-ci a des difficultés à s’engager. Ils sont utilisés dans 3 % des accouchements par voie basse (enquête périnatale 2021).

Lors d’un accouchement qui ne progresse plus ou qui se complique, le médecin insère chaque branche des forceps de Suzor l’une après l’autre dans le vagin, le long du crâne du bébé, formant ainsi une pince. Avec soin, il applique une traction douce mais ferme pour guider le bébé dans sa descente lorsqu’une contraction survient. Cette technique instrumentale est envisagée lorsque d’autres méthodes, comme la ventouse ou l’administration d’ocytocine pour stimuler les contractions, s’avèrent insuffisantes ou inappropriées.

Quand et pourquoi utilise-t-on les forceps lors d’un accouchement ?

Conditions préalables à l’utilisation des forceps

Avant de recourir aux forceps, plusieurs conditions doivent impérativement être réunies :

  • Le fœtus doit être en présentation céphalique, c’est-à-dire la tête en premier, et doit être suffisamment engagé dans le bassin.
  • Le col de l’utérus doit être dilaté à 10 cm, permettant le passage du bébé.
  • La poche des eaux doit être rompue.

Situations justifiant l’utilisation des forceps

L’obstétricien peut décider d’utiliser les forceps dans plusieurs situations :

  • Détresse fœtale : si le bébé montre des signes de souffrance indiquant une possible privation d’oxygène, les forceps peuvent permettre d’accélérer l’accouchement.
  • Travail prolongé ou arrêté : si la progression du travail est anormalement lente ou si elle s’arrête complètement, les forceps peuvent être utilisés pour aider le bébé à descendre et à sortir. Attention, on parle d’un travail qui stagne depuis plusieurs heures, pas quelques dizaines de minutes. 
  • Complications médicales : dans certains cas, comme une cardiopathie maternelle ou d’autres pathologies empêchant la mère de faire trop d’efforts, les forceps sont utilisés pour protéger à la fois la mère et l’enfant.

Procédure d’utilisation des forceps

A – Positionnement initial des forceps
B – Introduction de la première branche
C – Introduction de la seconde branche
D – Ajustement des branches
E – Ajustement des branches
F – Rotation de la tête du bébé
G & H – Traction douce
I – Sortie de la tête puis retrait des forceps pour que l’accouchement se poursuive naturellement
Les étapes d’un accouchement avec forceps
Forceps accouchement

Le choix d’utiliser les forceps plutôt qu’une ventouse ou de recourir à une césarienne dépend de plusieurs facteurs, notamment la position du bébé et l’expérience du médecin. Les forceps sont préférés lorsque le bébé est déjà très bas dans le bassin et que l’accouchement par voie basse est encore envisageable, tandis que la césarienne est recommandée lorsque le fœtus se trouve trop haut.

L’accouchement avec forceps présente-t-il des risques ?

Bien que l’utilisation des forceps ait avant tout pour but de protéger la mère et l’enfant lors d’un accouchement difficile, il est important de connaître les risques potentiels liés à cette intervention instrumentale.

Pour le bébé, l’application des forceps, qui sont des instruments en métal placés au niveau des joues et des tempes, peut entraîner de légères traces rouges. Ces marques sont sans gravité et disparaissent généralement dans les 24 à 48 heures après la naissance. Parmi les autres effets possibles, un céphalhématome (épanchement de sang sous le cuir chevelu) peut survenir, mais il se résorbe en quelques semaines sans conséquences graves. Quant aux séquelles neurologiques, aucune étude n’a prouvé que les forceps peuvent en provoquer. Enfin, la forme légèrement allongée ou déformée du crâne du bébé après la naissance n’est jamais due aux forceps, mais au passage dans le bassin de la mère. La forme du crâne reviendra rapidement à la normale.

Ainsi, les traumatismes néonatals liés aux forceps restent extrêmement rares, avec un taux global estimé à environ 1 %. 

Pour la mère, les risques liés aux forceps sont souvent moins évoqués et pourtant plus significatifs. L’utilisation des forceps augmente le risque de traumatismes périnéaux sévères dans environ 25 % des accouchements (contre 13,2 % pour ceux réalisés avec une ventouse). Ces traumatismes incluent des déchirures sévères du périnée, vaginales et rectales. C’est pourquoi de nombreux gynécologues pratiquent des épisiotomies préventives, bien que cette pratique soit controversée et dénoncée par l’OMS, car elle ne garantit pas de réduction des déchirures. L’utilisation des forceps peut aussi entraîner des douleurs, même sous anesthésie, ainsi que des complications psychologiques telles que la peur ou la culpabilité de ne pas avoir “réussie seule”. 

“Lors de mon premier accouchement, ils ont dû utiliser les forceps car le rythme cardiaque du bébé ralentissait. Tout s’est passé très vite mais j’ai gardé pendant très longtemps le bruit des pinces métalliques associé au souvenir de mon accouchement. “ Sidonie.

Forceps : pratiques controversées et alternatives

L’utilisation des forceps lors d’un accouchement suscite de nombreuses interrogations. Il est essentiel de comprendre quand et pourquoi ces instruments sont utilisés, ainsi que d’explorer les alternatives possibles.

Alternatives aux forceps

Comme toute instrumentalisation de l’accouchement, les forceps peuvent entraîner des dommages physiques et psychologiques non négligeables. C’est pourquoi il est important d’envisager, lorsque cela est possible, des alternatives moins invasives. 

Avant tout, il est essentiel d’évaluer la situation de stagnation. La phase de poussée n’a pas de durée fixe : elle varie d’une femme à l’autre et est multi-factorielle. Si le rythme cardiaque du bébé reste stable, il n’y a généralement aucune raison de presser la mère ou d’utiliser les forceps uniquement pour respecter une contrainte de temps.

En cas de travail qui stagne, il est recommandé d’inciter la mère à changer de position, à se mettre en mouvement, ou à adopter une posture qui favorise la gravité. Si cela ne suffit pas et que des signes de fatigue apparaissent, tant chez la mère que chez le bébé, l’injection d’ocytocine peut s’avérer utile. Aucune intervention ne devrait être précipitée simplement en raison d’un timing arbitraire.

L’épisiotomie est-elle obligatoire lors de l’utilisation des forceps ?

L’épisiotomie, qui consiste à agrandir l’ouverture du vagin en pratiquant une incision, est souvent associée à l’utilisation des forceps. Cependant, cette pratique est de plus en plus contestée, notamment par l’OMS, qui ne recommande son usage que dans des situations très spécifiques. En effet, les études montrent que l’épisiotomie n’empêche pas nécessairement les déchirures graves, mais prolonge souvent la durée de récupération post-accouchement.

Bien qu’il n’existe pas de preuves concluantes en faveur de l’épisiotomie systématique, une épisiotomie médiolatérale peut limiter les lésions du sphincter anal, notamment chez les primipares, en cas d’utilisation de forceps. Si elle est réalisée, elle doit être pratiquée à un angle de 60° lorsque la tête distend le périnée.

Péridurale et forceps : un lien direct ?

La péridurale a un impact direct sur l’augmentation de l’utilisation des forceps (et de la ventouse). En supprimant ou réduisant les sensations, elle peut diminuer ou supprimer l’effet réflexe de la poussée, entraînant parfois une poussée inefficace. La physiologie de la naissance montre qu’une dilatation complète ne signifie pas toujours que la naissance est imminente ; une phase de latence, parfois longue, peut survenir. Il est important de respecter cette phase pour préserver les forces de la mère et du bébé. Il est également recommandé d’attendre que le bébé soit visible à la vulve avant de commencer les poussées, même si cela implique de patienter une à deux heures après la dilatation complète.

En outre, la péridurale, en limitant la mobilité, peut entraver le processus physiologique de la naissance. Cela est de moins en moins vrai grâce à la péridurale déambulatoire. Cependant, les cas de péridurales mal dosées restent fréquents (plus de 23 % selon l’enquête périnatale de 2021). La déambulation et les postures verticales réduisent la durée du travail, le taux de césarienne et d’extractions instrumentales, tout en améliorant l’efficacité des contractions.

Réduire l’anxiété associée aux forceps

Les principales raisons de recourir aux forceps, telles que la détresse fœtale ou l’absence de progression, sont souvent sources d’anxiété pour les parents. Utilisés dans des contextes d’urgence, les forceps peuvent accentuer ce sentiment d’inquiétude. Une communication claire et bienveillante de la part du personnel médical, avec des explications précises, peut aider à réduire cette appréhension et à permettre aux parents de mieux comprendre pourquoi l’intervention était nécessaire.

Le contexte d’un accouchement assisté par forceps est essentiel. Si la mère est épuisée après une longue phase de poussée ou que le bébé présente des signes de détresse, les forceps peuvent s’avérer indispensables. Cependant, il est important de noter que certaines femmes ont donné naissance avec des forceps bien qu’elles auraient préféré continuer à pousser, et alors que le bébé ne montrait aucun signe d’alerte. Dans ces situations, d’autres mesures comme un changement de position ou l’administration d’ocytocine auraient pu être envisagées avant de recourir aux instruments.

“Je n’ai jamais compris pourquoi les forceps avaient été utilisés. Cette décision fut prise entre l’équipe médicale, sans même me consulter, alors que j’avais l’impression de “gérer” la situation. J’ai trouvé cela violent et surtout, je me suis sentie oubliée”. Laura

L’importance d’un débriefing post-accouchement

L’intensité des émotions ressenties par la mère pendant l’accouchement, souvent après des heures de travail épuisant, peut rendre l’accouchement instrumental particulièrement marquant, voire traumatisant. Un débriefing post-accouchement avec un professionnel de santé est essentiel pour clarifier les raisons qui ont motivé l’utilisation des forceps, les conséquences possibles pour la mère et le bébé, et répondre aux questions des parents. Cela fait d’ailleurs partie du protocole obligatoire.  

L’information joue un rôle clé dans l’apaisement des peurs et l’amélioration du vécu post-accouchement. Comprendre les décisions prises et leur impact peut grandement aider à alléger le poids émotionnel de l’accouchement assisté. Soyez conscient de vos droits et n’hésitez pas à solliciter des explications si la situation vous arrive. 

Comment peut-on diminuer le recours aux forceps ?

Pour réduire l’utilisation des instruments, il est recommandé de :
Informer que la péridurale peut augmenter le risque d’extraction instrumentale, bien que cet effet soit moins marqué avec les nouvelles techniques.
Attendre une à deux heures après la dilatation complète pour commencer la poussée sous péridurale.
Favoriser les positions verticales ou latérales chez les patientes sans péridurale, et allongées sur le côté sous péridurale.

Quel consentement est nécessaire avant d’utiliser les forceps ?

Les futures mamans doivent être informées des risques et avantages de l’extraction instrumentale pendant la grossesse. En salle d’accouchement, un accord verbal est requis et doit être noté dans le dossier médical. En cas d’extraction complexe, un consentement écrit est nécessaire, surtout si l’intervention se fait au bloc opératoire.

Comment peut-on réduire l’impact psychologique d’un accouchement avec forceps ?

La communication claire et le soutien continu pendant le travail et l’accouchement sont essentiels. Après l’accouchement, une réunion avec la patiente est recommandée pour expliquer les raisons de l’utilisation des forceps. Si des complications psychologiques surviennent, un suivi spécialisé doit être proposé.

Sources :

  1. Royal College of Obstetricians and Gynaecologists. Les recommandations 2020 sur l’extraction instrumentale. [En ligne] Disponible sur : https://www.gyneco-online.com/obstetrique/les-recommandations-2020-sur-lextraction-instrumentale-par-le-royal-college
  2. Organisation Mondiale de la Santé. Directives OMS sur les soins maternels et néonatals : Normes de qualité des soins pour la santé maternelle et néonatale (2021). [En ligne] Disponible sur : https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/344618/9789240028517-fre.pdf?sequence=1
  3. Masson, N. Les pratiques obstétricales en salle de naissance. Thèse de l’Université de Caen (2015). [En ligne] Disponible sur : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01121557
  4. JOGC. Assisted vaginal delivery: recommendations for obstetrical practice

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