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Prévenir la cascade d’interventions à l’accouchement : conseils et solutions

Par Armelle Fruchard | Mise à jour le 9 octobre 2024

Lors d’un accouchement, la cascade d’interventions survient lorsqu’une première intervention en entraîne d’autres, souvent pour gérer ses effets secondaires. Si certaines sont nécessaires, d’autres, plus anodines, peuvent perturber le déroulement naturel de l’accouchement. Comprendre la physiologie et faire des choix éclairés est essentiel pour préserver l’expérience de naissance tout en assurant la sécurité de la mère et du bébé.

Exemple d’une cascade d’interventions

Pour illustrer une cascade d’interventions, prenons un exemple concret :

On décide de déclencher artificiellement le travail, une procédure qui peut parfois initier une série d’interventions non prévues. L’induction entraîne des contractions plus intenses et douloureuses que celles d’un travail naturel, ce qui conduit souvent à la demande d’une péridurale (et donc à la pose d’une sonde urinaire).

Bien que la péridurale soit efficace pour soulager la douleur, elle présente des effets secondaires notables sur le déroulement du travail. En réduisant la mobilité, elle peut ralentir le processus et entraîner une stagnation.

Pour compenser la diminution des contractions, une dose supplémentaire d’ocytocine synthétique peut être administrée pour intensifier le travail. Cependant, cette intervention augmente le risque d’hémorragie du post-partum (comme l’a montré une étude de l’Inserm en 2012). De plus, la péridurale est également associée à un risque accru d’extraction par forceps, voire de césarienne. L’intensification des contractions peut provoquer du stress chez le fœtus, nécessitant un monitoring constant. 

Quels sont les risques de l’effet toboggan lors d’un accouchement ? 

L’effet toboggan, ou cascade d’interventions, fait référence au fait que chaque intervention tend à en motiver une autre, créant un processus où l’accouchement se transforme en une série de gestes qui n’étaient pas forcément nécessaires au départ. 

« Lorsqu’on pose une anesthésie, on modifie les conditions de la naissance, les positions, la perception du bébé « , explique Paul Cesbron, gynécologue et ancien chef de la maternité à l’hôpital de Creil (Oise).

L’effet toboggan affecte aussi la dimension psychologique de l’accouchement. La multiplication des interventions peut générer une perte de contrôle chez la mère, augmentant son anxiété et son sentiment d’échec. Après un accouchement trop médicalisé, certaines femmes se sentent dépossédées de leur expérience et perdent confiance en leur capacité à accoucher naturellement, ce qui semble parfois contribuer à la dépression post-partum. 

C’est l’effet papillon : un petit pied dans l’engrenage mais qui peut avoir des conséquences délétères. 

Il est essentiel de comprendre que certaines interventions sont nécessaires pour protéger la mère et l’enfant, mais que leur utilisation doit être raisonnée. Par exemple, la rupture artificielle des membranes peut accélérer le travail, mais elle comporte aussi des risques, comme la procidence du cordon si le bébé n’est pas bien positionné. Des explications claires sur les risques et les bénéfices des interventions permettent aux parents de faire des choix éclairés et d’éviter autant que possible la cascade d’interventions.

Pourquoi a-t-on recours à tant d’interventions lors des accouchements ? 

En France, l’accouchement est largement influencé par une vision où le risque doit être anticipé à tout prix. Cette perception est renforcée par une médicalisation accrue, où chaque naissance est envisagée à travers le prisme des possibles complications. Les professionnels de santé, notamment dans les hôpitaux, privilégient souvent l’intervention pour éviter tout imprévu. Cependant, cette approche soulève un débat : l’intervention systématique est-elle réellement plus sécuritaire, ou est-elle elle-même source de nouveaux risques ?

La médicalisation de l’accouchement, initiée pour réduire la mortalité maternelle et infantile, a apporté des améliorations significatives. Pourtant, aujourd’hui, la majorité des grossesses (environ 85%) se déroulent sans complications majeures, soulevant la question de la nécessité de tant d’interventions dans ces cas-là.

D’un côté, les professionnels de santé pro-interventions estiment que chaque accouchement est potentiellement risqué et que les imprévus doivent être maîtrisés grâce aux technologies et aux protocoles médicaux. Leur objectif est de limiter les marges d’incertitude par l’induction, la péridurale, ou encore la césarienne prophylactique.

De l’autre côté, les partisans d’un retour à la physiologie défendent une approche qui valorise la capacité naturelle du corps à donner naissance. Ils soutiennent que c’est souvent l’intervention médicale inutile qui crée le danger, plutôt que l’imprévu en lui-même.

Là où ces deux courants s’opposent, c’est dans leur conception du risque : pour les partisans de la physiologie, intervenir sans nécessité peut engendrer des complications évitables (par exemple, les effets secondaires des médicaments ou des césariennes non justifiées). Ils appellent à une prise en charge plus individualisée, qui respecte les rythmes du corps.

En quoi la compréhension de la physiologie est primordiale pour limiter ces cascades d’interventions ? 

La compréhension de la physiologie de l’accouchement est essentielle pour limiter les interventions médicales non nécessaires et préserver le processus naturel. C’est un mécanisme fragile qu’il est primordial de connaître pour mieux le protéger.

Déjà en 2018, l’OMS soulignait l’importance de respecter le rythme naturel des femmes enceintes en bonne santé et d’éviter les interventions superflues qui perturbent le déroulement de l’accouchement.

Comprendre et respecter la physiologie de l’accouchement, c’est reconnaître que chaque femme a son propre rythme, et que ce rythme doit être pris en compte pour éviter de provoquer des interventions inutiles. Le travail doit être soutenu dans sa dimension naturelle, avec patience, et les interventions médicales ne devraient être utilisées que lorsqu’elles sont réellement nécessaires.

Il est également possible de minimiser l’impact des interventions lorsqu’elles sont indispensables, grâce à une meilleure compréhension de la physiologie. Par exemple, retarder autant que possible certaines interventions, préserver un environnement favorable à la concentration (la « bulle » de la mère), et maintenir un état de conscience altéré qui favorise un accouchement naturel.

L’importance du choix éclairé pour limiter les cascades d’interventions 

Il est clair que la peur est  finalement le premier pas vers cette cascade d’interventions. Ainsi, il est essentiel de se préparer aux différentes éventualités afin de pouvoir, le moment venu, faire ses choix en connaissance. 

Pendant la grossesse, il est important de se familiariser avec les différentes interventions médicales : ce qu’elles sont, ce qu’elles impliquent, et lesquelles vous aimeriez refuser ou accepter pendant le travail. Évidemment qu’aucune future maman ne va souhaiter l’utilisation de forceps, pourtant dans certains cas, il faut se préparer à ce que cela s’impose. Parfois cela sera une aide possible, proposée. Cela diffère et c’est important, en fonction du contexte, de se préparer aux éventualités de ces situations. Cette préparation permet de mieux décider si une intervention est nécessaire ou non, et aide à faire des choix éclairés.

Le modèle BRAIN est un excellent outil pour guider vos réflexions pendant la grossesse, avec la personne qui sera présente lors de votre accouchement. Chaque lettre représente une étape de réflexion :

  • Bénéfices : Quels sont les avantages de cette intervention ?
  • Risques : Quels sont les risques associés ?
  • Alternatives : Quelles alternatives existent ? Que peut-on faire d’autre ?
  • Intuition : Que vous dit votre ressenti ?
  • Ne rien faire : Que pourrait-il se passer si vous choisissez de ne rien faire, ne serait-ce que pour un temps ?

En ayant réfléchi à vos souhaits en amont, votre accompagnant pourra orienter les équipes médicales sans que vous soyez constamment sollicitée, ce qui vous permettra de rester dans votre bulle. C’est une question à discuter avec votre partenaire, doula ou accompagnant de naissance : préférez-vous qu’il soit votre voix et vos oreilles durant l’accouchement pour préserver votre espace ? Certaines femmes préfèrent garder le contrôle le jour J. C’est à vous de décider, mais c’est une réflexion importante à mener pendant la grossesse pour arriver à l’accouchement aussi sereine et préparée que possible.

 L’OMS a remis en question l’ancienne norme selon laquelle le col de l’utérus devait se dilater à une vitesse d’un centimètre par heure. Cette norme, qui ne correspond pas à la réalité pour certaines femmes, a souvent conduit à des interventions précipitées. La stagnation d’une heure n’est pas toujours un signe qu’une intervention est nécessaire. Si l’on vous propose un « coup de pouce » après une heure de stagnation, il est important de se demander si c’est vraiment nécessaire.

Dans de nombreux cas, surtout en milieu hospitalier, la cascade d’interventions résulte d’une prise de décision trop rapide, avec un consentement parfois peu éclairé. Le manque de temps pour permettre au corps de progresser naturellement peut entraîner un enchaînement d’actes médicaux.

Bien sûr, accepter une intervention ne conduit pas nécessairement à une cascade d’interventions. L’enjeu réside dans l’imprévisibilité du travail : chaque situation est unique, et personne ne peut prédire exactement comment cela va se passer. Cela reste un « coup de dé », mais mieux informée, vous pouvez faire des choix plus adaptés à vos besoins et à ceux de votre bébé.

Sources
Beck, U. (1992). Risk Society: Towards a New Modernity. Sage Publications.Ehrenreich, B., & English, D. (1978).
For Her Own Good: Two Centuries of the Experts’ Advice to Women. Anchor Books.
Administration d’ocytocine pendant le travail : risque associé d’hémorragie du post-partum et pratiques françaises.
CNGOF, 2012. Prise en charge du travail normal. MSD Manual, 2022.

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