Un bébé au Mexique, sans péridurale

Par Armelle Fruchard | Mise à jour le 15 décembre 2023

Félix, né le 18/09 : 40+5

Contexte

30 ans, premier bébé très désiré. Grossesse et accouchement au Mexique, pays dans lequel la césarienne est la norme. Ici, pas de préparation à l’accouchement, pas de suivi par une sage-femme, bref je me sens un peu perdue. Mon souhait initial est d’accoucher par voie basse avec péridurale. Devant ce “vide”, je me tourne vers une doula française qui m’a été recommandée. Elle me conseille un gynéco pro accouchement naturel mais qui accepte mon souhait de péridurale (spoiler : mon projet va vite changer !!).

Préparation

7 cours avec ma super doula, livre “J’accouche, que faire de la douleur”, piscine 2-3 fois par semaine jusqu’à la fin, marche ++

– tisane de feuilles de framboisier à partir de la 37sa

– 2-3 dattes/jour à partir de la 37sa

Grossesse de rêve : aucun désagrément, j’adore être enceinte, je dors mieux que jamais, je me sens super épanouie, peu de kilos pris, piscine jusqu’au terme, marche +++.

Récit

Au Mexique, le terme est fixé à 40SA : DPA au 15 sept. Dans ma tête, j’étais persuadée d’accoucher 10j avant mon terme comme ma mère à chacune de ses grossesses.

Les jours passent, aucuns signaux, je commence à m’impatienter. Je fais tout pour qu’il arrive : marche, ménage, escaliers et tout ce qui peut me procurer de l’ocytocine : massages par Matthieu (mon mari), bon repas, acupuncture, restau, jeux de société, sorties, balades etc.

À 40sa, je commence à désespérer et à avoir peur du déclenchement. Surtout qu’en ayant annoncé à tout le monde ma date de terme au 15 sept, je reçois plein de msg me demandant si j’ai accouché (j’avais tendance à épier mes copines aussi, je me suis juré de ne plus jamais le faire !!).

40+3 : je perds un peu du bouchon muqueux. Moi qui commençais à désespérer, ça me rebooste ! Je me dis qu’il se passe des choses. Fête nationale du Mexique, on profite du calme de la ville, on va voir le défilé, on se fait un restau coréen (piment ++), bref super journée et quelques contractions qui vont et viennent, je sens que c’est pour bientôt, je suis apaisée.

40+4 : au réveil, plus aucune contractions, je suis dégoutée. Surtout que je m’étais persuadée que mon travail débuterait la nuit. La journée passe, je perds encore du bouchon muqueux, marche +++, contractions en fin de journée.

40+5 : au réveil, RAS. Je suis dépitée. J’écris à mon gynéco (le meilleur du monde) pour lui partager ma peine. Il me propose de passer le voir dans l’après-midi. Il faut savoir qu’il est très peu interventionniste et n’a donc jamais checké mon col tout au long de ma grossesse. D’ici là, il me conseille de me détendre et me rassure.

40+5, 11h : c’est dimanche, on est à la maison avec Matth. Le temps est gris (très très rare à Mexico), on met de la musique, on baisse les stores, bref on se prépare pour une journée cocooning. Tiens, petite contraction matinale : c’est nouveau. Je ne dis rien mais je l’accueille avec une joie immense.

12h : elles continuent ! ce sont bien des vagues, je comprends enfin la sensation. Elles repartent aussi vite qu’elles sont arrivées, je me sens bien, Matthieu me laisse marcher dans le salon et les gérer sans rien dire, on fait comme si c’était normal, on ne dit rien, le temps est suspendu. C’est plutôt douloureux mais elles sont courtes et entre chaque, c’est le calme absolu. J’alterne entre le ballon et me suspendre (merci la barre de muscu, elle aura au moins servie une fois dans sa vie 🙂 ).

Pendant que je suis dans ma bulle, Matth est en contact avec mon gynéco. Il était prévu qu’il vienne à la maison une fois le travail bien lancé afin de faire un monito et de m’aider à gérer si besoin avant le départ à la maternité (au Mexique, on n’y reste que 24h, il ne faut donc pas se louper). À ce moment-là, elles sont rapprochées : toutes les 5 min mais je gère encore bien : je fais des sons graves, je me suspends, je pense à mon bébé et je fais de longues expirations. Matth me fait des points d’acupression dans les fossettes du dos, cela me soulage énormément.

14h : j’ai faim, Matth va faire des courses. Quand il rentre, je souris mais j’ai mal : vite vite, donne moi à manger. Un bol de riz cantonais plus tard, je commence à perdre pied.

Il me demande s’il peut prévenir notre gynéco, je lui dis que c’est trop tôt. Je ne veux pas qu’il se déplace pour rien. Ce dernier lui conseille de me faire couler une douche chaude. Cela me fait beaucoup de bien, je continue à vocaliser et dans un moment de lucidité, je demande à Matth de me laver les cheveux. Je suis dans ma bulle, l’eau brûlante coule sur moi, je me détends. Matth lui envoie discrètement une vidéo de moi à laquelle il répond : “ok ça a l’air de s’intensifier, j’arrive”.

15h : il est là. Je capte à peine et trouve ça normal de le voir dans mon salon alors que je suis nue, assise sur le carrelage de la salle de bain.

À ce moment-là, j’ai mal mais je me dis que je peux encore supporter une hausse d’intensité. Je suis sereine mais j’ai peur d’être à 1. Il écoute le coeur de mon bébé, me dit que tout va bien, que je gère parfaitement et me demande s’il peut m’ausculter. Il checke et m’annonce calmement ‘Vamos a ir a la maternidad. Estas a 7. Felicidades Armelle !”. Je fonds en larme de joie (néo cortex reconnecté).

Il commande un uber, j’enfile un short et un tee shirt et on part. Pauvre chauffeur qui a du passer les 10 min les plus longues de sa vie à entendre gémir et vocaliser à l’arrière (j’étais persuadée de ne jamais réussir à faire ce type de son avant, que cela n’était pas fait pour moi. Finalement, ils sont sortis tout seul tout au long du travail et ont été super efficaces).

16h: On arrive, mon gynéco avait prévenu la mater afin qu’on aille direct en salle nature. Je suis toujours dans ma bulle, il me propose la baignoire, je m’y plonge, Matth allume plein de petites led (aucun souvenir), il baisse les stores et met de la musique.

J’ai plus notion du temps, j’ai mal mais l’eau chaude me fait du bien. Matth est dans l’eau derrière moi, je me tiens à ses genoux, je crie à chaque contraction, c’est douloureux mais je suis shootée. Mon gynéco est assis sur un tabouret à côté et me rassure en me disant que je gère très bien, que mon bébé a beaucoup de chance et que je suis très courageuse (je l’aime!!). Un soignant va à la pêche à la 💩 avec une épuisette (bizarrement, ça me faisait ni chaud ni froid)…

Au bout d’un moment, mon gynéco me demande si je veux sortir du bain pour changer de position. Je lui dis “no se, como quieres !!”

Je me mets sur le lit, à 4 pattes. Là c’est vraiment douloureux. Je redoute chaque contraction qui arrive, je pleure, je crie, je suis en pleine phase de désespérance. À chaque contraction qui arrive, je dis “noooooon je veux pas, je peux plus” et je pleure. Je sens que ça pousse mais à chaque poussée, je sens mon bébé descendre puis remonter. Les compresses d’eau chaude que mon gynéco m’appliquent sur le vagin me soulagent un peu.

Je vomis un peu, j’ai envie que ça s’arrête, je fais que de dire que je ne vais jamais y arriver. Les contractions sont d’une intensité folle mais paradoxellement, les phases de poussées soulagent. Mais c’est looong !! Heureusement, mon super génial adoré gynéco continue à m’encourager, me dit que tout va très bien, que mon bébé descend à son rythme, que rien ne presse et que je vais bientôt l’avoir dans les bras.

Finalement, au bout d’une heure, mes efforts payent, je sens que la tête s’engage enfin. Là je demande à Matth de crier avec moi tellement c’est intense. J’ai confiance en mon corps, je n’ai pas vraiment senti le cercle de feu mais plutôt que j’étais en train d’expulser un boulet de canon. Une poussée plus tard, j’entends s’extasier derrière moi. “Tiene muchoo pelo” (il a bcp de cheveux). Là je comprends pas, je demande où est mon bébé et on me dit “allez plus qu’une poussée et il est sorti”. Là je panique complètement : “quoi ?? y a que la tête de sortie là ?? il est coincé ?? je dois encore sortir les épaules ?? nooooon”.

Mon gynéco me dit d’attendre la prochaine contraction et de pousser. Là, magique, la phase de délivrance prend tout son sens : je perds la poche des eaux en même temps que je fais sortir le reste de son corps, un liquide chaud se répand, sensation magique.

On me le fait passer entre les jambes, je fonds en larme et regarde son entre-jambe : es un chicooo (j’en rêvais). Sensation incroyable, je le sers contre moi, je le sens, je pleure et remercie tout le monde (je découvre qu’il n’y avait pas que Matth et mon gynéco dans la salle), c’est merveilleux, je suis euphorique. Il est 18h30.

On me pose Félix sur moi, mon placenta sort en quelques minutes, on me le montre et on me demande si je veux le rapporter chez moi (“no gracias”).

Matthieu coupera le cordon une fois qu’il aura arrêté de battre. Peau à peau pendant 2h et tétée d’accueil. Pendant ce temps là, on me recoud (petite déchirure), je m’en rends à peine compte. Je suis sur un nuage.

24h plus tard, on rentre à la maison, à pied, avec notre petit Félix en écharpe (entre temps, on a vécu un tremblement de terre qui ne nous a fait ni chaud ni froid, trop hypnotisé par notre bébé !!).

Je me sens super bien, en forme, fière, forte, émerveillée. J’ai déjà envie de ré-accoucher. Pendant 4-5j, avec Matth, on parlera autant de notre bébé que de l’accouchement. Ce fut le moment le plus fort et beau de notre vie.

Je suis complètement nostalgique de ce 18 septembre et gaga de notre petit Félix. Pas une seule fois je n’ai évoqué la péridurale.

Quelques jours plus tard, mon gynéco m’a envoyé la vidéo de la sortie de mon bébé (je ne savais même pas qu’il avait filmé), c’est à la fois dur et magique à revoir !

Vive la vie, ayez confiance en vous, bel accouchement à toutes.

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