La grossesse est une période de bouleversements et de changements physiques mais aussi psychiques. Parmi ces transformations, un phénomène intrigue et est fréquemment mal compris : la perte de mémoire de la femme enceinte. Est-ce scientifiquement prouvé et à quoi cela est dû ? Toutes nos réponses sur les changements du cerveau chez la femme enceinte.
La perte de mémoire de la femme enceinte est-elle prouvée ?
Au cours des 9 mois où vous portez la vie, votre corps tout entier se transforme pour s’adapter à cette nouvelle condition. Pendant la grossesse, il est fréquent que les femmes enceintes se plaignent de pertes de mémoire ou de défaut de concentration, généralement attribuées au « syndrome du neurone unique ». Si ce syndrome porte mal son nom, il n’est pas dénué de toute vérité pour autant. En effet, on estime qu’environ 80 % des femmes enceintes constatent des troubles de la mémoire durant la grossesse.
Plusieurs études ont été menées sur le sujet. En 2007, une méta-analyse a compilé les résultats de 14 études publiées entre 1991 et 2007. Elle a révélé que les femmes enceintes étaient moins performantes aux tests de mémoire à court terme et de mémorisation de mots.
Une autre étude en 2016 a montré que la grossesse entraînait des transformations significatives dans le cerveau, au point que les scientifiques peuvent identifier si une personne a donné naissance, par simple observation d’un scanner cérébral. Il a été démontré que les femmes enceintes présentent en effet une réduction du volume de matière grise dans l’hippocampe (région cérébrale qui joue un rôle dans la mémoire et la navigation spatiale).
Une des raisons de la réduction de la matière grise pourrait être attribuée à la redistribution globale du flux sanguin, qui vise à satisfaire les nouveaux besoins du corps, notamment ceux de l’utérus. Par conséquent, certaines parties du cerveau reçoivent une irrigation sanguine moins abondante et notamment les zones associées à la mémoire à court terme.
Alors, faut-il s’inquiéter du fameux « cerveau de grossesse » ? Allez vous perdre la tête pendant 9 mois ? Bien heureusement, non ! Nous allons voir que réduction de la matière grise est davantage un mécanisme d’adaptation vers la maternité qu’une déficience cognitive.
La mommy brain : un cerveau plus performant !
Le « mommy brain » n’est pas un cerveau défaillant, loin de là ! Si le cerveau de la future maman se réorganise, c’est pour mieux s’adapter aux exigences de la maternité. D’ailleurs, cette modification cérébrale peut également se produire chez les pères lorsqu’ils sont activement impliqués dans la grossesse (source).
On estime que la diminution de la capacité de mémorisation résulterait de l’instinct primitif qui trie naturellement les informations, incitant la femme enceinte à se concentrer sur ses propres besoins et ceux de sa future progéniture.
Si la mémoire peut être affectée par la grossesse, d’autres zones du cerveau se montrent plus performantes ! C’est le cas de l’hypothalamus et l’amygdale, deux régions liées au comportement, très probablement responsables du développement de l’instinct maternel. C’est ainsi que les facultés d’empathie et de reconnaissance faciale sont plus élevées chez la femme enceinte !
Ainsi, cette métamorphose cérébrale a pour objectif d’amplifier les émotions, d’affiner les sens tels que l’ouïe et le goût, et de renforcer le lien affectif, le tout dans le but d’accueillir et de s’adapter au mieux à l’arrivée du bébé !
Des études réalisées par l’équipe universitaire de Lausanne ont révélé que les changements cérébraux associés à la grossesse et à la parentalité ont un rôle protecteur contre le déclin cognitif lié à l’âge. Plus les parents auraient d’enfants, moins ils seraient exposés à des maladies cognitives en vieillissant (source).
Comment peuvent se traduire les pertes de mémoire durant la grossesse ?
Plus que des pertes de mémoire, les femmes enceintes font état d’une difficulté de concentration ou d’une plus forte propension à la distraction. En effet, il a été démontré que cette perte de la matière grise n’entraîne aucune perte cognitive. Une étude australienne menée en 2008 et publiée dans le Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology a examiné plus de 1000 femmes (enceintes, non enceintes et jeunes mamans). Elle a conclu qu’il n’y avait pas de différences entre les différents groupes de participantes lorsque l’attention était concentrée sur une tâche spécifique.
Ainsi, le “pregnancy brain” semble davantage se produire lorsque l’attention n’est pas pleinement focalisée. Il n’y a donc pas de raison de s’inquiéter quant à votre capacité à mener à bien votre travail ou à accomplir les tâches importantes qui vous incombent. Votre cerveau est capable de discerner et d’alléger naturellement les éléments moins importants, tout en préservant ce qui compte vraiment.
Les troubles de la mémoire résultent en fin de compte d’une répartition différente de l’attention, conçue pour permettre à la future maman de se préparer à répondre aux besoins de son bébé de manière plus attentive.
Quelles sont les autres raisons derrière les pertes de mémoire pendant la grossesse ?
Il est important de noter que d’autre facteurs peuvent expliquer les pertes de mémoire chez les femmes enceintes, en dehors des changements cérébraux liés à la grossesse :
- Nouvelles priorités : Pendant la grossesse, de nouvelles priorités se manifestent. C’est une période de grands changements, centrée sur soi, sur son bébé et sur tous les préparatifs nécessaires. Être enceinte demande beaucoup d’espace mental, et à mesure que la grossesse progresse, de nombreuses choses peuvent rivaliser pour attirer l’attention, ce qui peut conduire à des oublis ou à négliger certaines tâches.
- Hormones : Les variations hormonales peuvent également vous jouer des tours à ce niveau-là. L’augmentation de la progestérone peut avoir un effet inhibiteur sur une partie du cerveau responsable de la mémoire et provoquer de la somnolence ainsi qu’une baisse d’attention et de concentration
- Fatigue au premier trimestre : La fatigue est souvent intense au cours du premier trimestre de la grossesse. Les bouleversements hormonaux et les adaptations physiologiques peuvent entraîner une sensation de fatigue généralisée.
- Manque de sommeil : Les nuits agitées sont fréquentes pendant la grossesse, en particulier vers la fin. Les difficultés à trouver une position confortable, les maux de dos, les crampes, les envies fréquentes d’uriner et les remontées acides peuvent perturber les nuits et contribuer à la fatigue.
- Anxiété : Attendre un bébé est une période riche en interrogations, remises en question et parfois doutes. Il est normal que ce nouvel état puisse vous préoccuper et prendre le dessus sur l’instant présent, vous rendant plus propice à la distraction.
Combien de temps dure le mommy brain ?
Les symptômes du « mommy brain » peuvent débuter dès le premier trimestre de grossesse et pourraient perdurer jusqu’à deux ans après la naissance (source).
Les experts ne sont pas encore certains si ces changements prolongés résultent de l’accouchement et de ses fluctuations hormonales, ou s’ils sont plutôt dus à ce que l’on appelle la « plasticité cérébrale », c’est-à-dire des modifications qui ne sont pas spécifiquement liées à la grossesse mais à l’expérience de la maternité.
Peut-on empêcher les pertes de mémoire pendant la grossesse ?
Comme vu précédemment, cette perte de matière grise n’est pas vraiment préjudiciable. Au contraire, elle semble préparer le cerveau aux défis de la maternité et optimiser les capacités cognitives des futures mamans pour le bien-être de leur bébé.
Cependant, voici quelques petits conseils qui peuvent permettre d’atténuer les pertes de mémoire ou du moins les difficultés de concentration si vous enceinte :
- Assurez-vous de bien dormir, car le sommeil de qualité favorise le fonctionnement cognitif.
- Adoptez une alimentation riche et équilibrée pour soutenir votre cerveau (fruits et légumes de saison, fruits secs, protéines de qualité, oeufs…).
- Notez les rendez-vous ou choses importantes dans votre agenda de téléphone portable et mettez-vous des rappels.
- Pratiquez une activité physique modérée. Cela peut aider à réduire l’anxiété, améliorer la qualité de votre sommeil et dynamiser votre cerveau.
Ainsi, il est aujourd’hui davantage compris que les changements hormonaux induits par la grossesse préparent le cerveau à répondre de manière plus sensible et attentive aux besoins maternels. Cependant, cette transformation interne comporte également un coût : une diminution de l’attention, caractéristique des femmes enceintes et des jeunes mères. Cela peut simplement être vu comme une transition vers le monde prenant, dévorant et totalement merveilleux de la maternité et de l’accueil d’un petit être au sein de son foyer.
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